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BIOGRAPHIE
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    J'ai tenu la promesse que j'avais faite à mon père, après chaque exposition je lui ramenais tout mon argent. On vivait toujours avec minimum de dépenses. Je voyais souvent mon père, transportant des grandes caisses, des fruits et des légumes sur son dos, en marchant tout doucement vers chez nous. Il achetait moins cher mais il fallait encore trier, pour trouver quelque chose de mangeable. Souvent la moitié des denrées étaient à jeter. L'un des plats que nous mangions le plus souvent était " singesir ", l'eau bouillante, du sel et pour lui donner un peu de goût on mélangeait avec de l'ail.

A l'âge 20 ans, nous n'avions pas encore l'électricité chez nous.
Je travaillais à la lumière de la lampe à pétrole.
 Tous les jours vers minuit une force m'attirais vers mes montagnes, vers les endroits les plus isolés de la ville, au bord du lac ou encore sur la route qui menait vers la station. C'est par ici qu'habitait l'inspiratrice de ma conscience. Bien sur j'avais toujours mon cahier avec moi. J'étais dans une sorte de méditation avec mon environnement en permanence. Je me demande parfois, comment en fait mes amis, mes compagnons de jeux, on fait pour ne pas devenir artistes à leurs tours. Nous avions suivi les même expériences, les même découvertes à travers nos jeux. Les gratitudes, la générosité de nos montagnes, ses nuits astrales, la beauté unique du "lac de VAN " et ses couleurs magiques ne laissaient personne indiffèrent. Aujourd'hui, vingt ans ou trente ans après, loin de mon paradis Tatvan, loin de ma bien aimée, c'est toujours la même force qui me tient en vie et me fait si souvent pleurer.
    Mes voyages, mes observations, mes connaissances, mes expériences m'ont poussé à faire autres choses que copier en permanence d'après les tableaux des grands peintres ou simuler leurs styles. Les maisons de nos villages, les rues calmes de Tatvan, les copies des célèbres tableaux, les portraits de mes professeurs ne me satisfaisaient plus. J'ai commencé à suivre les gens dans la rue, dans les cafés, sur les marchés, et aussi les villageois avec leurs visages expressifs. Les voyageurs des trains, les gens dans les salles d'attente, sans oublier les couleurs bleutées du lac, sont devenus mes cibles privilégiées.